Genesis Utopie chapitre 2

Chapitre II

La voiture s’arrêta brusquement. Héloïse ouvrit les yeux, réveillée par la secousse. Son souffle formait une fumée blanche. Le froid se faisait plus intense, piquant.

La faible lampe du chauffeur éclairait l’intérieur de la voiture : un vieux tacot d’une dizaine de places, presque entièrement en bois, ouvert sur l’extérieur, au niveau des fenêtres. Les bancs pouvaient accueillir deux personnes assises.

Héloïse s’aperçut qu’il ne restait plus qu’une vieille femme et elle dans la voiture.

-Terminus !

Elle tourna la tête. Le chauffeur la fixait de ses yeux sombres :

– C’est le terminus, il faut descendre.

Elle se leva, attrapa son sac et descendit. La carriole s’en alla lourdement en grinçant des roues. Une fine neige tombait nonchalamment. Un unique réverbère éclairait les environs. Le reste était plongé dans un noir quasi-total.

Héloïse s’avança lentement dans la pénombre, en plissant les yeux. Elle devinait les façades des maisons, les tonneaux éventrés qui jonchaient le sol, les murets en parti effondrés. Chacun de ses pas produisaient un léger crissement. Seul ce bruit était perceptible. Le reste n’était que silence et obscurité. Elle progressait péniblement, assurant ses pas pour ne pas glisser.

Au bout de quelques minutes, elle s’arrêta devant une porte, l’observa attentivement et reconnut l’endroit. C’était bien là. Elle posa la main sur la poignée glacée quand elle entendit des voix. Elle jeta un œil derrière elle mais ne put que deviner à l’oreille que des personnes approchaient. Une voix rauque vociférait des insultes. Héloïse, discrètement, entra dans la bâtisse. Elle ne referma cependant pas complètement la porte. Cachée, elle espérait en savoir plus.

Elle vit bientôt une lueur provenant apparemment d’une lanterne, puis deux silhouettes. Grande taille, épaules larges : deux hommes. Au fur et à mesure qu’ils approchaient, elle distingua un objet qui pendait le long de leur bras gauche. Quelque chose brillait, reflétait la lumière. Ils se dirigeaient par ici ! Elle hésitait. Son pouls s’accélérait. Trop près !

Elle courut jusqu’aux escaliers et monta péniblement les marches, tentant d’être à la fois rapide et silencieuse. Elle tâtonnait dans l’obscurité, assurant son pied avant de déporter son poids. Pas de grincements ! Elle ne devait pas se faire repérer !

Elle parvint à l’étage et s’introduit dans l’ouverture juste devant elle. Elle entendait la porte d’en bas s’ouvrir et des bruits de pas lourds sur le parquet. Elle se faufila sous un lit. Allongée par terre, la tête dans la poussière, elle essayait de respirer le plus silencieusement et le plus calmement possible. Elle resta immobile.

Les escaliers craquaient au fur et à mesure que les intrus progressaient. Ils semblèrent s’arrêter sur le palier. Un rayon lumineux passait sous la porte… et se déplaça vers la gauche.

Héloïse entendit alors un murmure, puis après quelques minutes, un bruissement. Quelque chose était traîné sur le sol. L’un des homme la fit passer devant la porte, puis l’envoya dégringoler les marches. Au son, on devinait un objet mou, d’assez grande taille.

– Fais attention, ne l’abîme pas trop !

– C’est bon ! Pour ce qu’on va en faire…

Ils retournèrent dans l’appartement… et en sortirent à nouveau dix minutes plus tard.

Héloïse vit la poignée de la porte devant elle, tourner. Elle se pelotonna sous le lit et mit les mains sur sa bouche. Elle vit deux paires de bottes aller et venir dans le logis. Elle les entendit fouiller toutes les pièces, puis revenir tout prêt d’elle. Ils s’assirent sur le lit, juste au-dessus d’elle.

– Rien ici, c’est bizarre.

– Ils ont dû partir avant qu’on arrive. Pas grave. De toute façon, on en a déjà plein.

Ils éclatèrent de rire.

– Allez, viens ! On a encore du boulot.

Ils sortirent.

Cachée, à l’affût, Héloïse reconnut, cette fois-ci à deux reprises, le même bruissement qu’auparavant. Des poids qui dévalèrent les marches. Enfin, elle entendit les hommes descendre puis sortir du bâtiment. Elle resta là, immobile, silencieuse pendant une dizaine de minutes.

Réalisant que les soldats ne reviendraient pas, elle regarda autour d’elle, toujours dans sa cachette. Elle sentit quelque chose qui effleurait son bras. Elle tourna la tête et vit des yeux qui la fixait.

A suivre